Existe-t-il un moyen de concilier le Dieu des prophètes, souvent présenté comme un Dieu juste et vengeur, et le Père de Jésus-Christ dont les textes néo-testamentaires ne cessent de rappeler la bonté et la miséricorde ? Cette question taraudait nombre de chrétiens au deuxième siècle. Marcion pensait que non : un arbre bon ne peut donner que de bons fruits, un arbre mauvais en produit nécessairement de mauvais. Valentin, figure de proue de la gnose (de gnosis qui veut dire connaissance en grec) hérétique chrétienne, partageait cette opinion. Celui-ci va élaborer une théologie émanatiste, foncièrement dualiste, qui se caractérise notamment par son rejet de la création et de son créateur, tous deux considérés comme mauvais. Elle se caractérise encore par une doctrine du salut élitiste dans laquelle ne sont sauvés que ceux qui disposent de la connaissance, à savoir les gnostiques, qui dès l’origine appartiennent au monde spirituel. Certains de ces gnostiques se référaient à Seth comme en témoignent les papyrus découverts en 1945 à Nag Hammadi.
La Confrérie de Seth que combattent les héros du roman de M.-H. Congourdeau est un avatar de ces mouvements gnostiques du deuxième siècle. C’est une secte qui cherche à attiser la haine entre les peuples et entre les croyants des différentes religions,en jouant notamment sur l’antisémitisme, afin qu’après un ultime chaos, advienne enfin le grand jour de Seth, apocalypse où les gnostiques rejoindront définitivement la lumière divine.
Telle est la trame à partir de laquelle la romancière raconte l’itinéraire spirituel de Jonathan Lieberman et de Benoît Maussane. L’un marié et père de famille, professeur de philosophie, juif agnostique, l’autre tout jeune homme, chrétien converti, cherchant à se réconcilier avec son passé.
Les relations familiales de Jonathan sont marquées par le conflit israélo-palestinien. L’un de ses fils, Nathaniel, a rejoint les ultra-orthodoxes en Israël ; sa fille, Abigail, veut épouser un arabe chrétien irakien. Les uns et les autres ont du mal à s’écouter, à compatir, prisonniers de leurs certitudes ou de leurs doutes. L’enlèvement de Jonathan permettra à chacun de rédécouvrir le dialogue, la complexité du réel et la richesse d’autrui : une manière d’être un peu plus fidèle à soi-même.