- Toi seul, Jésus, et ta Mère, vous êtes beaucoup plus beaux que tout ! Pas de souillure en toi, Seigneur, et pas de tache en ta Mère !
Carm. Nisib., 27,44
- Chœur de harpes,
Demeures de cithares,
O clameurs d’hosannas,
O Église des hymnes !
La clôture qui l’entoure,
C’est la paix qui vient tout pacifier !Hymne sur le Paradis, 11, 3
- Donne-nous gratitude,
O Bon,
de ta BontéHymne sur le Paradis, 13, 2
I. Vie
La célébrité de saint Éphrem fut si grande en Orient que les légendes se multiplièrent à son sujet et que bien des œuvres empruntèrent son nom. Il n’est pas facile aujourd’hui de reconstituer les données authentiques.
Voici le peu qui doit être retenu : Éphrem est né en Mésopotamie à Nisibe ou dans les environs vers 306. Sa famille était sans doute chrétienne : « Je suis né dans le chemin de la vérité » écrit-il [1].
2Diacre et moine2
3À Nisibe3
Il fut ordonné diacre et le demeura toute sa vie. Il fut moine aussi, sans que l’on puisse bien déterminer quelle fut sa forme de vie monastique : il professe une grande admiration pour l’érémitisme mais il est sûr qu’il en fit le sacrifice.
- Le désert est bien meilleur que les lieux habités pour celui qui cherche l’honneur de Dieu… si l’aigle fait son nid dans une maison, la fumée le prend aux yeux… le fauve qui s’approche des murailles y perd sa peau… Regardez les animaux et fuyez les maisons, o homme des montagnes !
Lettre aux moines, 3
Sans doute vivait-il en compagnie de quelques ascètes, il est certain qu’il fut très austère : tout son idéal en témoigne.
3À Édesse3
En 363, il dut quitter Nisibe tombée aux mains des Perses. Il s’établit alors à Édesse où il demeura jusqu’à sa mort.
Le diacre Éphrem eut une intense activité pastorale tant à Édesse qu’à Nisibe. Il prêchait et enseignait par la parole et l’écrit. Sans doute fut-il maître de chœur à Édesse, il est selon toute probabilité le fondateur de l’école catéchétique d’Édesse après avoir été le principal animateur de celle de Nisibe. C’est précisément la certitude de son activité pastorale incessante qui amène à penser que sa formule de vie monastique fut souple. Il vécut dans la pauvreté et la virginité au service de L’Église Il fut dans l’Église de Syrie le défenseur de l’orthodoxie contre l’hérésie arienne.
Il mourut le 9 juin 373.
II. Œuvres
Éphrem est poète toujours, ce poète est aussi un exégète et un théologien. Des poésies et hymnes innombrables lui sont attribuées car il fit école en Orient. On commence seulement à étudier systématiquement et de manière critique son œuvre. Nous retiendrons l’essentiel :
- Un Commentaire du Diatesseron de Tatien, c’est-à-dire de l’évangile concordant.
- De nombreux Traités, Discours et Hymnes, la plupart en vers.
- Contre les hérésies
- 87 Hymnes sur la foi (contre les ariens)
Quand le navire étend ses rames en forme de croix, et forme de ses deux vergues un sein où le vent s’engouffre - quand il déploie la croix - alors la voie est ouverte pour sa course.
O pur sein des voiles, image du Corps de notre Rédempteur qui était rempli de l’Esprit sans lui avoir imposé ni limites ni fermeture, de l’Esprit qui réside dans les voiles de lin. Les âmes habitées par l’Âme reçoivent la vie !De fide, 18, 8-10 - 15 Hymnes sur le paradis.
- Adam nu était beau,
sa femme diligente
peina à lui tisser
un habit de souillures !
Le Jardin le voyant
et le trouvant hideux
dehors le repoussa !
Mais pour lui par Marie
fut faite tunique neuve [2].
Vêtu de cette parure,
et selon la promesse
le Larron resplendit :
Revoyant en son image Adam,
le Jardin l’embrassa !Hymne 4,4-5
- Dedans le Paradis
dansent les estropiés
qui ne pouvaient marcher !
Les paralytiques qui ne pouvaient même ramper
s’envolent dans les airs !
Dès le sein maternel,
les aveugles et les sourds
souffraient de leur misère !
Affamés de lumière,
Ils ne pouvaient voir ni entendre !
Beauté du Paradis
épanouit leurs yeux,
Chant de cithares
console leurs oreilles.Hymne 7, 13
- C’est selon qu’ici-bas
chacun rend pur son œil
qu’il pourra contempler
la gloire du Très-Grand.
C’est selon que chacun
ouvre ici ses oreilles
qu’il pourra accueillir
la Sagesse de Dieu !
C’est selon que chacun
rend large ici son cœur
qu’il pourra pour sa part
recevoir ses trésors !
Car avec mesure le Seigneur sans mesure
alimente chaque être,
il adapte à nos yeux
la vue de sa Vision,
sa Voix à nos oreilles.
Sa bénédiction répond à notre faim !
Sa Science à notre langue !
Les biens déborderont de son Don.
De l’Eden, saveurs toujours nouvelles,
arômes triomphants,
jaillissante vigueur,
couleurs épanouies !Hymne 9, 26-27
Ces citations permettront de se faire une idée de la poésie théologique d’Éphrem, riche en images mais aussi en doctrine : le Paradis est d’ailleurs rendu à l’humanité dans L’Eglise plus beau et splendide que l’Eden qui en était la figure :
- D’une part, il planta le jardin splendide !
de l’autre, il bâtit l’Église pureHymne 7
- Au-dedans de l’Eglise il implanta le Verbe.
Hymne 7
Le nouvel Adam, l’Homme qui détruit la faute et ouvre le Paradis, c’est le Christ et Éphrem chante inlassablement sa louange :
- Béni qui par sa Croix
ouvrit la porte du Paradis.Refrain de l’Hymne 6
- Béni soit celui qui fit la joie d’Adam.
Hymne 9, 6
- Béni soit celui qui délia nos liens
afin que son image ne restât prisonnière !
…
Béni qui nous donna parabole
du retour au logis !Hymne 13, 4 et 8
- Ah ! Gloire au Jardinier
de l’Arbre-Humanité !Hymne 14,13
• 21 Hymnes sur les azymes (sur Pâques). • 52 Hymnes sur l’Eglise. • 51 Hymnes sur la virginité. • 8 Hymnes sur la crucifixion. • 88 Carmina Nisibena
Ces poèmes, écrits à Nisibe selon le titre qui les désigne, forment un recueil qui réunit de nombreux poèmes : seuls les 21 premiers furent rédigés à Nisibe et parlent d’ailleurs de la guerre des Perses et des sièges subis par la ville. 8 poèmes ont été perdus.
Voici un extrait dont la note d’humour n’est pas absente le diable se plaint d’avoir appris en vain l’Écriture !
- Avec peine, j’ai appris par cœur ce psaume pour prendre le Seigneur au filet avec son psaume. C’est bien en vain que j’ai appris ma leçon !
Carmina Nis., 35, 4 (sur la tentation du Christ)
Éphrem est encore l’auteur de nombreux chants liturgiques, de sermons en vers et en prose et d’une lettre aux moines.
Conclusion
Saint Éphrem que l’on appelle Éphrem de Syrie, Éphrem de Nisibe ou Éphrem d’Édesse est le plus grand poète de Syrie. Sa poésie servit de modèle non seulement en Syrie mais aussi dans le monde hellénistique.
Il est évident que le langage théologique d’Éphrem qui n’a rien de spéculatif et qui ignore les subtilités philosophiques n’a pas la précision des grands théologiens de la patristique grecque mais dans son jaillissement d’images bibliques, Éphrem développe une théologie très sûre. Sa dévotion à Marie est notoire. Éphrem s’adresse toujours à la masse du peuple et il fut, par ses chants, un éducateur remarquable du sens chrétien. Il a, comme les Cappadociens, une perception profonde de la transcendance divine
- Je n’ai pas eu l’audace de parler de ton Fils
O Tout-Secret,
J’ai entouré le Verbe d’une frontière de silence
Puisque j’ai respecté ta génération
Fais que j’habite en ton Paradis,
Que tout homme qui t’aime
loue ton être secret !Hymne sur le Paradis, 4, 11
L’Orient lui a décerné le nom de « cithare du Saint-Esprit ».